LE SERPENT DE MER DES HÉLICOPTÈRES FRANÇAIS

L’HÉLICOPTÈRE INTERARMES LÉGER

« H.I.L.»

« De quoi s’agit-il » selon la fameuse méthode du Maréchal Foch ?

Il est nécessaire de remplacer les hélicoptères légers de l’Armée de l’Air, de l’Armée de Terre et de la Marine et, bien sûr, aussi de la Gendarmerie.

On en voit tout de suite l’avantage puisque cet hélicoptère miracle doit remplacer à terme pas moins de 7 hélicoptères en service dans nos armées et pour de l’ordre de 160 machines ce qui rationalise les coûts par l’achat groupé des machines de même que sa maintenance et la formation des équipes d’entretien et des équipages.

Avant de quitter ses fonctions, le Ministre de la Défense a annoncé que le choix se portait sur un hélicoptère français, fabriqué en France (on y reviendra) le H160 d’Airbus Helicopters qui fait ses premiers vols et qui évoluera dans la classe des 6 tonnes avec une contrainte forte qui est que la machine doit être basée sur un hélicoptère civil -communauté logistique maximale- avec des aménagements pour les besoins militaires selon les armées peu couteux dit-on.

Reprenons rapidement les machines à remplacer par Armées

  • Pour l’Armée de l’Air, cette classe de machine doit remplacer les Fennec et les Puma avec un engin unique qui doit être assez rapide porte ouverte, pour faire la chasse à des aéronefs (les fameuses MASA pour Mesures Actives de Sûreté Aérienne) pour les faire obéir ou détruire ce qui suppose d’être capable d’être armé parfois lourdement.

Une autre contrainte est de pouvoir disposer d’une capacité d’emport et d’être ravitaillement en vol soit une machine d’au moins 5 tonnes. Donc le H160 devrait couvrir les besoins qu’elle remplissait avec le Fennec, le Puma, le Caracal restant en service.

  • La Marine a besoin d’un hélicoptère qui puisse agir comme engin d’intervention lors du décollage et de l’atterrissage, la lutte anti sous –marine, l’appui-feu, le transfert de personnels ou de pièces de rechange rares, l’éclairage au loin de flotte, la désignation d’objectifs en relais – tir de missile mer-mer, missions satisfaites par l’Alouette III, Panther, Lynx et Caïman.

Il semblerait que, là encore, l’hélicoptère H 160 puisse remplir les conditions.

  • L’Armée de Terre a, quant elle, des besoins beaucoup plus contrastés, voire antinomiques

On lui demande de remplacer des Gazelles, des Panther, des Puma des Cougar, rénovés, pour aboutir, à la fin, n’avoir en ligne que HIL, Tigre et N90 Caïman.

De plus, cela ne conviendra pas à l’Alat : en 2012, on avait défini un engin de la classe des 4 tonnes qui soit donc discret, léger, mais fortement armé et très protégé.

Les Forces Spéciales seraient plutôt pour les caractéristiques de l’engin défini par l’Alat mais aussi, bien sûr, avec d’autres normes pour leurs besoins.

On peut penser que le choix de l’Armée de Terre sera essentiel car ce sera elle qui aura le plus de machines en ligne mais en fait l’Armée de l’Air va avoir à remplacer 68 appareils pour ses besoins et la Marine sans doute une vingtaine d’appareils. Le poids du choix de l’Alat est donc à relativiser.

On voit donc que pour l’Armée de l’Air, la Marine, le choix d’une base de H160 peut être assez pertinent pour emplir leurs missions.

Par contre, l’examen des missions dévolues à l’Armée de Terre montrent que ces besoins ne peuvent être couverts par le seul H160.

Que conclure ?

On conçoit parfaitement que les Armées, affolées du coût croissant des appareils modernes – ce qui n’a pas été prise en compte dans la définition des critères de choix – et par les temps passés par le MCO –Maintien en Condition Opérationnel –  les pièces détachées et les coûts d’immobilisation (plus d’un an pour grande révision d’un Tigre).

On conçoit aussi que les hélicoptères nouveaux sont des appareils très neufs et qu’il faut régler les problèmes qui surviennent sur des engins pas complètement rodés mais dont les caractéristiques présentes laissent à penser qu’elles sont très prometteuses.

Cela étant, on peut vraiment se poser une série de questions.

1/ Est-il encore envisageable d’utiliser des machines anciennes dont le MCO est très coûteux et, corollaire, ne faut-il pas accélérer les commandes et la production des nouveaux engins avec ces économies même si certains appareils anciens peuvent encore servir Outre-Mer à grand coût.

2/ Il va falloir donner de la consistance au développement de la mission « Sentinelle »,

Les engins les plus faciles et pas trop coûteux ne pourraient-il pas servir sur le territoire national dans en environnement plus habituels permettant des MCO moins élevés et les appareils plus modernes rendus disponibles pour les OPEX commandés plus tôt ?

3/ En ce qui concernent les Forces Spéciales, pourquoi a-t-on écarté le H145M alors que cet appareil est vendu aux Garde-Côtes américains sous le nom de « LokataUH72 » pour un marché de 400 appareils –on est surpris que les américains pourtant réputés exigeant sur le plan technique et que les Forces Spéciales allemandes viennent acheter ce modèle.

On voit dans la presse que l’on s’est détourné aussi parce que l’appareil était produit en Allemagne et non en France, motif fâcheux au moment où le Président de la République se dit déterminé à renforcer les liens avec notre partenaire pour un matériel produit par une société commune et dont les utilisateurs sont des alliés ?

De surcroît, récemment, le Ministre Monsieur Le Driant a exprimé sa frustration quant à la mise en ordre des MCO – dont celles des hélicoptères- et notamment la définition des responsabilités et prise en compte des coûts y afférents et énormes à ce jour.

Plus généralement il faut que les états-majors prennent conscience que, d’une part, un modèle unique n’est pas la panacée et, d’autre part, qu’ils prennent également en compte le besoin urgent de revoir à fond les besoins réels en MCO et prendre en compte les stocks d’entretien nécessaires.

Finalement, il n’est pas du tout certain que ce choix qui correspond, sur le papier, à des économies dans la mesure où chacun voudra se voir satisfait de ses propres besoins.

Il faut réfléchir et se demander si l’idée de diminuer les coûts par l’adoption d’une base commune sera réellement efficace : si l’on prend l’exemple du NH 90 dont un acheteur scandinave a demandé d’élever la hauteur de la cabine n’a pas généré un coût supplémentaire en créant ainsi une petite série.

Or, en créant l’idée simple et tentante que l’adoption d’une base commune génère des économies, le risque est de voir les utilisateurs devenir exigeant pour la partie militaire et de créer ainsi des mini séries comme cela est le cas en ce moment : les Puma, Super Puma, Cougars rénovés ou non ont été, me semble-t-il, des petites séries avec chacun ses spécificités. On en voit le résultat.

Il est donc nécessaire de revoir ce choix avec deux hélicoptères dont l’un basé sur le H160 de base et l’autre à définir.

Il n’est pas tout certain que ce nouvel appareil soit un facteur de coûts supérieurs à celui que les Armées connaissent avec toutes ces mini-séries d’engins anciens et couteux en MCO et en renforcement des mises à jour pour adaptation aux normes civiles.

Il faut ainsi de nouveau se poser la question de la faisabilité d’un hélicoptère de 4 tonnes déjà défini en 2012 et de son coût comparé avec l’adoption du H160 dont il faut souligner qu’il ne sera que la base avec des développements militaires dont il faudra connaitre le coût avec des mini-séries.

 Le H145 M, quant à lui, pouvant créer même s’il n’est pas le plus récent, avec les Allemands une série plus grande satisfaisant ainsi les besoins réels des Forces Spéciales de l’Armée de Terre et peut-être d’autres.

On peut donc penser ainsi que l’on pourrait satisfaire une composante importante de nos actions en OPEX avec les Forces Spéciales à des prix sans doute intéressant.

Pensons également que le HIL doit, dès sa conception, être apte à affronter la mer et ses contraintes – l’exemple du TTH90, version marine du NH90, qui n’a pas prévu assez à fond cet aspect est la cause beaucoup de problèmes à Airbus Helicopters.

Enfin, il faut aussi penser que nos Armées ne sont pas là pour satisfaire le producteur ni pour faire de l’aménagement de territoire, ce facteur ne peut plus être pris en compte avec les besoins de financement actuels et à venir des Armées.

Ce point a déjà été soulevé dans de précédentes revues.

Mais- là c’est aux Politiques de prendre les décisions et de définir les priorités et de géré les financements nécessaires.

Patrick Toussaint
25/06/2017